A l’approche du scrutin du 25 mai, les tribunes et plaidoyer sur l’Europe foisonnent. Point trop n’en faut pourrait-on dire. Le mieux pourrait être l’ennemi du bien. Mais, les enjeux et l’avalanche de doutes méritent que chacun d’entre nous prenne la plume pour donner sens au vote du 25 mai 2014.
Car après tout de quoi s’agit-il ? D’un nouveau rendez-vous électoral au sein de l’une des démocraties dont plusieurs milliards d’individus sur cette terre nous envient. Soyons en dignes, respectueux et fiers de pouvoir participer à la construction libre d’un des plus beaux projet de l’humanité : Notre Europe.
Cette invitation à nous mobiliser dimanche prochain est importante à la vue de ce que l’Europe a fait pour nous ici ou ailleurs. Depuis presque 30 ans, La Réunion dispose d’un soutien significatif de l’Union européenne pour l’accompagner dans sa dynamique de développement. Près de 300 millions d’euros par an sont venus doter l’île des facteurs, matériels et humains, essentiels et névralgiques à son décollage et à sa projection dans le milieu de ce siècle. Mais l’apport de l’Europe à notre développement est allé au-delà de ces financements en nous apportant les institutions et règles qui, malgré quelques contraintes, ont transformé nos fonctionnements parfois teintés dans le passé de déviances organisationnelles. Ô combien de nations et économies de la planète nous envient nos normes, le sigle CE, nos outils de gouvernances, notre capacité à protéger la santé du citoyen bien souvent contre lui-même. Oui, l’Europe, sans que nous le percevions dans notre vie quotidienne, a structuré et conforté notre processus de développement personnel et collectif en nous invitant à chaque carrefour de l’histoire à conforter la Paix, notre bien le plus précieux pour préserver la vie et faire de celle-ci une « Ôde à la joie ».
Cette invitation est également importante à la lumière des enjeux de ce nouveau scrutin.
Le premier est de remettre en perspective la dimension temporelle de la construction européenne car j’entends trop souvent ces discours d’impatiences sur les retards d’une Europe fiscale, politique, sociale,…On peut le comprendre. Mais, dans toute construction, encore plus politique, rien ne se réalise instantanément. Le processus est bien souvent long. Ce n’est pas parce que nous vivons une époque, rythmée par les hautes fréquences que nous devons confondre vitesse et précipitations. Doit-on rappeler qu’en 1999, les pays de la zone Euro ont accepté de perdre un pouvoir séculaire voire millénaire : celui de battre monnaie. Demander à ces mêmes Etats de perdre le pouvoir social, fiscal et donc politique demandera beaucoup de patience…car nous ne sommes pas les Etat-Unis d’Europe et nous ne le souhaitons pas non plus.
Le deuxième est de mettre en exergue les défis essentiels à l’aune de cette nouvelle mandature. Au premier rang figure sans doute l’enjeu du fonctionnement plus démocratique de cette union jugée souvent trop lointaine, trop technocratique dans ses décisions. Il est évident que le projet politique doit donner sens au destin économique. Les progrès que pourrait réaliser la BCE dans l’écoute des éléments réels (croissance, chômage) de l’économie et non plus seulement nominaux (inflation) participent de cette convergence démocratique. Les prochaines années devront également fixer les différents horizons géographiques, économiques et politiques de l’Union entre cœurs économiques, zone monétaires principales, espace Schengen refondé,…car l’union dans la diversité ne doit pas signifier nourrir les disparités. En outre, pour renforcer la réalité que l’Europe nous protège, plusieurs politiques doivent progresser vers le statut de politique commune : on peut penser à l’Europe de la défense, à la politique industrielle et celle de la R&D et de tous les outils qui préparent notre insertion dans un monde aux centres de gravités chamboulés.
Le troisième, plus territorial et donc concernant La Réunion, cette Europe de et dans l’océan Indien, consiste à transformer notre rôle en faisant passer nos territoires comme simples consommateurs d’aides à celui de terres d’avant garde et plateformes de projection de l’Union dans les enjeux agroécologiques, bioéconomiques, énergétiques et climatiques du futur.
Le projet européen, initié il y a plus de 60 ans avec la CECA, puis le Traité de Rome a sans doute vu son évolution contrariée par les chocs politiques et économiques de ce dernier demi siècle. On peut concéder, à certains, tentés par une forme de scepticisme, la nécessité de soutenir l’urgente refondation du projet originel. Mais, cela n’autorise pas de confondre la méthode et les objectifs. Plus encore à l’échelle de La Réunion, il est urgent de faire prendre de la hauteur de vue aux candidats. Les débats ne sont pas forcément à la hauteur des enjeux. Certains, souvent jeunes en expériences et donc éloignés des enjeux essentiels pour nos économies complexes, demeurent piégés dans une trappe de cécité. Au contraire, le député européen doit être fédérateur rassembleur et ne pas incarner la division ni de son propre camps ni de La Réunion. Ces défis exigent du volontarisme, de l’audace mais aussi de l’expérience territoriale qualité indispensable pour qualifier notre territoire, La Réunion, dans ce projet européen aux enjeux séculaires et planétaires.